Que ce soit dans une école de théâtre ou dans une école de cinéma, les perspectives d’avenir des jeunes étudiants semble fébrile. Même si les écoles se sont adaptées pour fournir des cours constructifs, la fermeture des salles de spectacles a fortement diminué la possibilité de réaliser des projets. Pour ceux qui viennent d’être diplomés, ou pour ceux qui sont en dernière année, la perte de confiance en soi et la remise en question sur leur avenir professionnel augmentent de jour en jour.
“Clairement, tout est à l’arrêt » explique Grégory Bélanger, le directeur de la manufacture de l’acteur, qui poursuit : “ Chaque année, les troisième année doivent jouer au festival d’Avignon, ça peut clairement être un tremplin en sortant d’école ». Mais malheureusement, comme pour toutes les écoles de théâtres, ou de cinéma, les représentations sont en stand by, du fait de la fermeture des salles. L’idée de mettre en place “des projets via visioconférence” est inenvisageable. Selon lui, “c’est une logistique beaucoup trop compliquée à mettre en place pour de jeunes comédiens”. Les productions cinématographiques sont également paralysées car les films ne peuvent pas sortir. Il n’y a que la télévision et les plateformes de streaming qui sont encore actives, « mais il est vrai que pour des jeunes étudiants, ça reste limité” confirme Grégory Bélanger.
Juliette Delannoy, étudiante au Studio Muller, est exaspérée par la situation. Jeune fille dynamique et ambitieuse, elle souhaitait intégrer le conservatoire national de Paris. Mais cette année, le conservatoire a décidé d’annuler le concours. “Je me suis entraînée toute l’année pour atteindre cet objectif. Déjà, en période hors COVID les perspectives d’avenir sont difficiles. Mais là, avec le covid, nous allons vers un avenir encore plus dur et encore plus incertain. Cette situation devient donc compliquée et à clairement un impact psychologique. Dans mon école, les étudiants se sentent seuls et déprimés. C’est vraiment démoralisant surtout sur le plan professionnel car nous n’arrivons pas à nous projeter ». La seule solution explique-t-elle, “c’est de commencer à réfléchir à des projets personnels ».
Une lueur d’espoir”
Pour comprendre clairement la situation actuelle des jeunes acteurs, nous sommes allés à la rencontre de Warren Lefèvre. Fraîchement diplômé en juin dernier, sa situation est plutôt satisfaisante. “Trouver des projets est difficile dans ce métier, même hors période covid. Il faut trouver les auditions, ce qui est déjà une partie compliquée du travail et ensuite les réussir”. Pour être plus visible et ne pas attendre, ce jeune comédien en herbe réalise également ses propres projets. “ J’ai pu effectivement décrocher pas mal de projets depuis la fin de mes études, mais il faut prendre conscience que la moitié des projets que je tourne sont mes projets personnels”.
Le covid a clairement arrêté une grosse partie de cette industrie. Certes, le monde du spectacle vivant est complètement à l’arrêt, mais il y a encore des opportunités dans le marché de l’audiovisuel, en particulier des tournage de publicités, des films ou encore des séries.
“J’auditionne en permanence pour ce genre d’offres. C’est certes une onde d’espoir pour certains comédiens, mais elles sont quand même limitées contrairement à la période pré-covid” raconte Warren. Le problème, c’est qu’une grosse majorité des acteurs travaillent sur scène et non devant la caméra, donc la plupart des acteurs ne travaillent pas. Les chanceux sont le faible pourcentage travaillant dans le cinéma et pour la télévision. “Ce que j’entends régulièrement, c’est la peur d’entreprendre. Lancer un projet n’est pas aussi simple à réaliser, cela demande une grosse somme d’argent et du temps. Ils prennent donc un risque car si un confinement resurgit, le projet tombe à l’eau ».
L’incertitude des étudiants face à l’avenir inquiète. Warren et Juliette le confirment, “beaucoup d’étudiants ou d’acteurs sont angoissés pour leur futur« . Les artistes sont des êtres sensibles et certains baissent les bras. Perte de confiance en soi, dépression, les spécialistes santé sont formels, la situation a un impact psychologique. Théodora est étudiante en master de psychologie, spécialisée dans la psychologie du travail. Elle a dû rédiger un rapport sur les artistes et leur créativité. Selon elle “ne pas percevoir son présent ou son avenir proche pose un problème d’ordre psychologique pouvant aller jusqu’à la dépression”. De plus, perte de confiance peut provoquer une perte d’imagination et d’inspiration, la matière première de ces jeunes passionnés. Mais Théodora rassure : « il faut comprendre que cette situation est seulement une période à passer, et qu’en adoptant un bon mindset, ils pourront par la suite l’utiliser pour augmenter leur créativité ». De plus, garder le contact avec les autres étudiants et les professeurs est primordial pour trouver des solutions et se mobiliser.
Propos recueillis par Carla Perruchon
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